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  • Poirier

Décidément, je n’en sortirai pas avec la brigade de nuit du 7e. Le cas du gardien Poirier vaut pourtant que j’y consacre quelques lignes.

Poirier était ferrailleur-mécano le jour, gardien de la paix la nuit. Je crois même qu’il n’a pas fait une longue carrière dans la police. Je ne dirai pas qu’il était un fonctionnaire zêlé, mais, à coup sûr, un homme foncièrement honnête, digne de confiance et surtout, pas un alcoolique. Tant qu’il avait en main un outil, il était à son aise et aurait remis à neuf n’importe quelle vieille mécanique. Mais pour la tenue et l’écriture, c’était autre chose. ses mains préféraient le cambouis à l’encre.

Je me souviens qu’en 1968, en pleine “guerre” du Quartier Latin, au cours d’une partrouille dans le Champ-de-Mars, nous avions interpellé un groupe de jeunes gens en panne avec leur vieille voiture. Après le contrôle des identités, la conversation virait sur les événements en cours et les points de vue, bien que différents, ne provoquaient aucune réaction violente. Au moment de se séparer, leur voiture refusa de démarrer.

Poirier avait tout ce qu’il faut dans le coffre de sa 403 et, en deux temps trois mouvements, il arriva à faire tousser le vieux moteur rétif.

Les “insurgés” n’en revenaient pas ! Comment, c’était l’adversaire qui rendait service ! en pleine crise. A vous dégoûter de vouloir refaire le monde. Tel était Poirier.

Mais un soir, à l’appel, il était ivre ! Mai 68, pas de permission dans la police pour la durée des “événements”. et Poirier mariait sa soeur. il aurait dû ne pas consommer ou se faire porter malade. Non ! parce qu’il était honnête.

Ses collègues l’avaient “planqué” à l’appel pour que je ne le vois pas. ils ont eu tort. sur son point de service, il se fit remarquer par le commissaire de ronde de nuit. Conformément à la luttte anti-alcoolique, il le fit conduire à la consultation du “brutaliseur”…
et la procédure s’ensuivit : mise à pied sans traitement pendant quinze jours, dégringolade de la note annuelle, etc. etc. Toujours la politique du cul au couvercle.

Si j’avais été informé, j’aurais attendu son dégrisement pour l’engueuler et lemettre en garde pour l’avenir. il m’a fallu deux ans pour le réhabiliter, tant il était facile de faire chuter une note mais compliqué pour la faire remonter. Je profitais d’une intervention de police-secours où il avait pris des risques pour le sauvetage d’une vieille dame, pour demander une augmentation exceptionnelle de sa note. Une jeune femme s’était présentée au central 7e pour demander de l’aide. elle avait essayé de pénétrer chez sa mère, très âgée, occupant un appartement au troisième étage, et ne pouvait ouvrir la porte, les clés étant restées dans la serrrure à l’intérieur. La vieille dame ne répondait pas à ses appels.

C’est Poirier qui grimpa sur la façade de l’immeuble et, au prix d’une vitre brisée, entra dans la chambre et permit le transport à Laennec. La vieille dame avait eu un malaise et il était temps de lui porter secours.

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